Chers amis, j'aurais bien voulu
raconter une histoire avec un personnage en chair et en os auquel on s'attache
et dont on écoute les aventures, les bonheurs et les malheurs, mais je n'en ai
trouvé aucun qui se détache des centaines d'hommes et de femmes liés d'une
façon ou d'une autre à l'histoire de la vieille église. Aussi, pour une fois,
mon personnage sera de pierre, de poutres et de tuiles, et j'espère le rendre bien
présent ce soir quand même.
Imaginons
un matin d'été. Il est cinq heures. Le ciel commence à pâlir vers l'orient,
annonçant, comme cela est la règle depuis des millions d'années, que le soleil va
bientôt darder ses rayons dispensateurs de vie sur les hommes, encore endormis
dans l'obscurité et la chaleur de leurs demeures. Coiffant le vieux clocher qui
se dresse sur le coteau, le dôme à l'impériale attend les braises du levant
pour rougeoyer lui-même, d'abord de façon à peine perceptible puis offrant de
plus en plus l'apparence d'un cœur, le cœur de la petite cité de Seloncourt qui
s'étend à ses pieds.
Ce
matin de juin, on entend sans les voir quelques voitures qui quittent leur gîte
comme des abeilles au réveil, marquant le redémarrage progressif de la ruche
humaine qui occupe la vallée. La vieille église peut, pendant quelques
instants, se bercer de l'illusion qu'elle est encore le cœur de la cité. Pour
cela, il lui suffit d'oublier la présence de son imposante jeune sœur qui
l'écrase de sa hauteur à moins de dix mètres. En contrebas, à l'écart du coteau,
près du lit de la rivière, une troisième église, qui ne le cède en rien pour
ses dimensions, semble attester la division de la communauté primitive qui
s'était installée dans les lieux près d'un millénaire auparavant. Coiffée de
son toit à bulbe, l'aînée des trois édifices semble une aïeule vénérable, une
grand-mère portant diairi, entre deux jeunes sœurs dans la force de l'âge.
Il
est vrai que ses deux cadettes n'ont guère plus d'un siècle d'ancienneté, alors
qu'elle-même pourrait bientôt revendiquer un demi-millénaire. Et ceci sans
compter la chapelle primitive, dont certains érudits prétendent qu'elle a donné
son nom au village : cella,
petite église et curia, ferme,
habitation ou village, seraient devenus : Seloncourt au fil des
générations. Très souvent, les tertres ou les coteaux ont été choisis par nos
lointains ancêtres pour qu'ils y honorent la divinité.
En outre,
dans les temps anciens où les hommes craignaient les bêtes sauvages, les
famines, les bandes de pillards et les armées d'invasion, ils se regroupaient
peureusement, frileusement, autour du lieu qui seul pouvait les rassurer et qui
symbolisait leur communauté : l'église, construite en pierre, que l'on
voyait de loin et où l'on pouvait se réfugier en cas de danger.
L'église
était le fruit du labeur des hommes réunis dans le village. Elle rendait
visible le lien qui unissait ses habitants, qui les reliait : religion
vient de re-ligere, relier. Elle
était comme un port prêt à abriter les marins dans la tempête, elle était déjà le
cœur du village naissant.
Nous
n'avons plus de trace, du moins à ma connaissance, de la petite chapelle qui
s'élevait peut-être sur la butte au moyen-âge. C'est peu après 1500 que l'on
commence à retrouver des témoignages attestant de la présence d'une nef de
pierre, au toit de chaume, adossée à une tour coiffée d'un toit à deux pans,
comme l'est actuellement le clocher de Saint-Dizier-l'Évêque. Cette nef de
pierre, ainsi que la base du clocher actuel, c'est la vieille église que nous
connaissons, tournée vers le soleil levant, vers l'orient, comme tous les
sanctuaires que bâtissaient les vieux maîtres disparus de nos mémoires. Et,
tout de suite après qu'elle est construite, la Réforme fait retentir les
premiers craquements qui vont fracturer la chrétienté occidentale. La petite
communauté de Seloncourt va être sommée de choisir un camp dans la terrible
guerre qui commence. Pour les humbles villageois, cela ne se fit pas sans
tâtonnements, malgré la sincérité de leur foi.
Mais
il a d'abord fallu la construire, cette église Saint-Laurent. Elle est toujours
au milieu de nous pour rappeler la mémoire des Seloncourtois de jadis, même si
nous ne pouvons plus mettre de visages sur leurs noms. Ces noms, nous en
connaissons quelques-uns : Coulon, Prenat, Grosrenaud, Cuenot, Aubry,
Quaile, Viennot, Boname... Ils nous sont familiers. Mais rien ne prouve que ces
noms étaient ceux des bâtisseurs de l'église. Peut-être les humbles tailleurs
de pierres, charpentiers et charretiers qui élevèrent l'église avaient-ils des
visages qui nous auraient été aussi familiers que ces noms. D'autres ouvriers
se déplaçaient de chantier en chantier et n'ont été Seloncourtois que le temps
de leur travail. Quand on conte une histoire, on aime bien y faire le portrait
d'un héros auquel l'auditeur va s'attacher.
Dans
celle-ci, il y a des centaines, des milliers de héros qui sont de petites gens
disparus sans laisser d'autre trace que la vieille église. C'est elle qui est
vivante, avec son clocher dont la rondeur évoque un cœur. Cependant, ne brûlons
pas les étapes : à son origine, l'église n'a qu'une tour plus trapue,
coiffée d'un toit à deux pans et la toiture de la nef est faite de chaume. Ce
dernier détail m'invite à penser qu'elle est née de la foi des paroissiens et
non du désir de grandeur d'un seigneur local.
À
peine érigée, la petite église et ses fidèles furent pris dans le sillage de la
Réforme. Comme disait la loi de l'époque, Cuius regio eius religio : tel roi, telle religion. Quand votre prince décidait de
se convertir à l'enseignement de Luther ou au contraire qu'il prenait fait et
cause pour le Vatican, le petit peuple n'avait pas le choix. Il fallait suivre
ou émigrer.
C'est
ainsi que l'église était dévolue depuis 1551 au culte protestant à l'exemple de
Montbéliard. Mais, au gré des héritages, des ventes ou des traités de paix,
Seloncourt passa de la coupe des Wurtemberg à celle du Roi de France. Aussi,
après deux siècles de pratique luthérienne, l'administration de Louis XV prit
prétexte du décès du pasteur pour le faire remplacer par le curé François
Larrère. L'opération s'appelait la reprise, ce qui était assez clair, mais
aussi la réconciliation. Pour vous et moi, le mot réconciliation signifie que
des gens qui se disputaient se raccommodent, mais, pour le pouvoir de l'époque,
cela voulait dire remettre dans les rangs du concile, c'est-à-dire du Vatican.
Aussi les deux cents protestants de Seloncourt durent-ils accepter sans
discuter que leur petite église ne serve qu'aux douze catholiques du
village. Le curé Larrère n'était sûrement
pas un méchant homme, mais l'époque ne faisait pas de sentiments et le mot
liberté, que cela soit de culte, de pensée ou de parole, n'était pas à l'ordre
du jour en 1740. Ailleurs en
France, c'était bien pire avec les dragonnades. À Seloncourt, au moins, on
pouvait aller pratiquer le culte que l'on avait choisi en se rendant à
Audincourt ou à Valentigney.
Et
voici donc la petite église redevenue catholique, ce qui n'est sans doute pas
sans conséquence pour son apparence. En effet, à l'orient, que cela soit en
Toscane selon les uns ou en Pologne selon les autres, la mode était de coiffer
les tours ou les clochers d'un dôme. Et cette mode commençait à envahir
pacifiquement la France, plus pacifiquement en tout cas que les soudards de la
Guerre de Trente Ans au siècle précédent.
D'aucuns
prétendent que cela venait plutôt de Pologne, en passant par la Lorraine. Le
roi Louis XV, outre sa volonté d'imposer le catholicisme dans son royaume,
pratiquait la politique internationale à la mode de son temps, c'est-à-dire qu'une
alliance était scellée par un mariage. C'est ainsi qu'il avait épousé Marie
Leczynska, la fille du roi de Pologne, Stanislas Leczynski, avec évidemment des
idées derrière la tête. Hélas, Stanislas fut renversé et le beau-père du roi de
France se retrouva à la rue, malgré les batailles héroïques qu'il livra pour
reprendre son trône. Louis XV lui offrit alors le duché de Lorraine fraîchement
acquis, mais en viager, c'est-à-dire qu'à la mort de beau-papa la Lorraine
reviendrait dans le domaine royal. Ce que le roi de France n'avait pas prévu,
c'est que Stanislas allait vivre très, très longtemps. Ah, les viagers...
Stanislas
n'avait peut-être plus de royaume, mais c'était un homme extraordinaire qui
valait mille fois son gendre débauché et irrésolu. En plus de la fameuse place
qui porte son nom à Nancy, il laissa des hôpitaux, des écoles et s'illustra par
sa grande culture et son amour de la vie. Et il apporta dans ses bagages,
dit-on, les fameux clochers à l'impériale, ou à bulbe, qui lui rappelaient sa
chère Pologne. Son architecte privé travailla ensuite pour l'Archevêque de
Besançon et c'est ainsi que les bulbes qui nous sont familiers se répandirent dans
toute la Franche-Comté. Belle histoire, et Stanislas Leczynski mérite que l'on
sache ce qu'il a apporté à notre pays.
Mais
cette explication n'est peut-être qu'une légende. D'autres historiens affirment
que les clochers à l'impériale seraient plutôt venus de Florence et de
l'Italie, à travers les discrètes migrations des charpentiers et couvreurs
anonymes qui parcouraient l'Europe. Je vous laisse choisir la version que vous
préférez. Pour ma part, j'aime bien le bon roi Stanislas, prince philosophe, musicien,
aimant son peuple de Lorraine et aimé par lui, et qui accueillit même Voltaire à
sa cour pendant quelques mois.
En
tout cas, voici donc notre vieille église toute pimpante, sa tour rehaussée
d'un niveau et coiffée à la mode du temps, lorsque survient un événement qui va
bouleverser l'ordre du monde : la Révolution française. C'est tout d'abord
une aubaine pour les protestants, qui se voient à nouveau autorisés à célébrer leur
culte dans ses murs. Mais la Révolution, c'est comme le lait qui déborde sur le
feu : quand ça commence à monter cela ne s'arrête pas toujours où l'on
voudrait. Et voilà notre vieille église vouée au culte de la Déesse Raison et
les cultes catholiques et protestants bien malmenés par des révolutionnaires
trop zélés.
Mais
tout ceci passa et la vieille église en avait déjà tellement vu avec les
guerres de religion, la guerre de Trente Ans et les armées d'invasion que ce ne
fut pour elle qu'une péripétie un peu désagréable et surprenante.
Elle
servit encore vaillamment pendant plus d'un siècle aux cérémonies religieuses,
puis vint pour elle le temps de prendre sa retraite. Seloncourt avait prospéré,
les paroisses s'étaient étoffées et se trouvèrent un jour trop à l'étroit dans
les vénérables murs. Et, les moyens ne manquant pas, les Seloncourtois
décidèrent, à quelques années d'intervalle, de construire cette fois une église
pour les catholiques et un temple pour les protestants, afin que chacun soit
chez soi. Ainsi en est-il dans les familles, quand les enfants qui ne
s'entendaient pas toujours ont assez d'argent pour se faire construire chacun
un pavillon, au lieu de cohabiter en se faisant constamment des concessions.
Ce
n'est pas seulement la forme du toit qui évoquait un cœur, c'est aussi la
cloche qui battait à l'intérieur, appelant les fidèles à l'office, certes, mais
aussi les ouvriers du travail au repos. Cette cloche avait été fondue en 1868 à
Morteau par les établissements Humbert et un sonneur y fut affecté jusqu'en
1913, puis elle resta muette sauf pour les grandes occasions.
Et
voilà notre amie la vieille église toute désoeuvrée, toute seulette, malgré la
présence toute proche de sa jeune sœur. Or, dans ce monde dont le credo devient
peu à peu la rentabilité, on a vite fait de regarder les choses qui ne servent
plus comme encombrantes. Des édifices prestigieux comme l'abbaye de Cluny en
ont fait les frais. Si l'on ne dit plus la messe, si l'on ne célèbre plus le
culte dans ce bâtiment, à quoi bon l'entretenir ? Cela coûte cher en
argent et en temps. Et si l'on ne l'entretient pas, il va vite tomber en ruines,
enlaidissant le paysage et risquant de blesser quelqu'un. Il n'y a pas de
maison de retraite pour les vieilles pierres, hormis le destin de monument
historique. Et encore.
Et
c'est maintenant que va se jouer une des plus belles pages de l'histoire de notre
ville. Une page qui va faire oublier les guerres de religion, pour ne garder
que le désir d'être une communauté humaine partageant les mêmes valeurs,
rassemblée dans le lieu qu'elle a choisi.
J'ai dans
les mains une charte, une liste de noms, qui va rester gravée dans la mémoire
des Seloncourtois comme les Bourgeois de Calais dans l'histoire de France. Vous
rappelez-vous nos leçons à l'école communale, Eustache de Saint-Pierre, Jean
d'Aire, Jacques et Pierre de Wissant, Jean de Fiennes et Andrieu d'Andres. Je ne me
souvenais que des deux premiers, ce n'est pas juste : il a fallu que je cherche
un peu pour retrouver les quatre autres, mais j'avais toujours en tête la vision
de ces hommes mûrs en chemise et la corde au cou se sacrifiant à l'Anglais pour
sauver leur ville.
La
ressemblance s'arrête là, bien sûr ! Il ne s'agissait pas de sauver une
ville des Anglais, mais de sauver un monument de la loi de l'utile. Cependant,
ce n'était pas n'importe quel monument : c'était le symbole d'une
communauté de personnes, sur le territoire d'une commune et sur plusieurs
siècles. Encore une fois, ce clocher à bulbe, c'est le cœur de cette communauté
séculaire et c'est le cœur de notre histoire. Quant aux Bourgeois, dans le
vieux sens de ce mot, c'est-à-dire les habitants du bourg, nous avons la liste
de ceux qui se sont levés et se sont mis au travail, non pas en chemise et la
corde au cou, mais en salopette et la truelle à la main pour sauver la vieille
église. Et, sur une feuille manuscrite qui semble sortie de l'école des
chartes, voici leurs noms, ainsi que leurs prénoms lorsqu'ils sont mentionnés :
Messieurs Charles Kieffer, Noirot,
Steffen, Roux, Guey, Ménegaux Jean-Pierre, Rerat Pierre, Seigneur, Coizet,
Bonnot, Vidal Jean-Paul, Frieden, Thierry,
Et Madame Marie-Madeleine Noirot.
Si
mes yeux ne m'ont pas fait défaut dans la lecture de cette liste, j'en trouve quatorze
en tout : je soupçonne ces coquins d'avoir rajouté Madame Noirot pour
qu'ils ne soient pas treize sur le chantier. Parce que cette liste est évidemment
incomplète, il y manque toutes les Ami-es qui ont dépensé tant de centaines
d'heures à décorer, embellir les locaux, mais aussi régaler les bricoleurs,
sans parler des tâches de secrétariat, de comptabilité et de documentation. Oh
non, nous savons tous ce soir combien les Amis du Vieux Seloncourt doivent à
leurs compagnes, même si elles ne figurent pas sur ce document du 6 mars
1984 !
C'est
là une des fantaisies de l'histoire : il manque toujours les noms des
fantassins. On a bien conservé celui des généraux, mais pas celui des
fantassins. Qui sont les maçons, les charpentiers, les couvreurs, les ébénistes,
les facteurs de vitraux qui ont fait cette église ?
On
se souvient du nom du curé qui la rendit au culte catholique, on a archivé les
noms des pasteurs qui y ont exercé, on a retenu le nom des seigneurs qui ont
régné sur le pays et des généraux qui l'ont ravagé, mais qui étaient ceux qui
avaient bâti la vieille église ?
Au
moins, nous avons une liste des Amis du Vieux Seloncourt qui se sont mis à
l'ouvrage, même s'il manque les femmes. Il y a même une liste beaucoup plus exhaustive,
celle de toutes les personnes qui ont acheté une tuile destinée à refaire le
clocher. Et cet élan de bénévoles pour préserver notre patrimoine commun, je
trouve qu'il fait écho à l'élan des obscurs fidèles qui avaient édifié l'église
sur la petite butte, il y a bien des siècles, au milieu des tueries, des
famines et des invasions. Ce ne sont plus la foi catholique ou la foi
protestante qui ont animé les bras des Amis, c'est le sentiment d'appartenir à
une communauté qui dépasse les querelles et les rivalités. Ce clocher à bulbe, c'est
cela qu'il symbolise : le vivre ensemble dans un lieu qu'on aime.
Pour
mon compte personnel, je préfère dire "clocher à bulbe" plutôt que
"dôme à l'impériale". Tout d'abord parce que je n'aime pas trop les
empereurs, mais aussi parce que les bulbes de tulipes sont originaires
d'Orient, comme les bulbes de l'église Sainte Sophie à Constantinople, comme
les bulbes des églises du Kremlin. C'est par là que le soleil se lève et c'est
vers cette direction que sont tournées, orientées,
les églises antiques comme la nôtre. C'est à cause de ce clocher que j'ai
entendu parler pour la première fois des Amis du Vieux Seloncourt, un soir de
calendriers, chez Claude Guey. Il tenait à me faire partager son enthousiasme,
me décrivant les efforts gratuits déployés par les participants à la
restauration de la vieille église. C'est lui-même qui insista sur le fait que
catholiques et protestants étaient réunis, cette fois, tendus vers un même but.
Ce simple fait dépassait les siècles de mésentente ou pire, de guerres de
religion qui avaient opposés les deux cultes.
Il
n'est même pas nécessaire d'appartenir à une religion, d'ailleurs, pour ses
sentir chez soi dans la vieille église. On ne demande pas aux artistes qui
exposent leurs œuvres ou qui font de la musique s'ils ont été baptisés. Cette
petite église est devenue ce qu'elle était depuis toujours, une maison commune
où les gens du pays se tiennent chaud ensemble.
Voilà,
chers amis. J'aurais bien voulu raconter une histoire, avec un début et une fin,
mais le début de la vieille église se perd dans la nuit des temps, aux époques
lointaines où l'on imagine, sur la butte, un sanctuaire vénéré par nos ancêtres
celtes ou même plus anciens encore. Pas de fin non plus, car la vieille église
a retrouvé, par les efforts des Amis, une nouvelle jeunesse qui risque de durer
encore très longtemps.
J'aurais
bien voulu créer un personnage dont on suit les aventures, ou les mésaventures,
et auquel on s'intéresse, mais les héros de cette histoire se comptent par centaines
et très peu ont laissé leur nom, encore moins leur visage. Le seul héros est un
vaisseau de pierres, de bois et de tuiles, dont on oublie peu à peu la belle
voix grave. Et vous tous et toutes, qui l'avez sauvé de la ruine et doté d'une
nouvelle vie.
Et
maintenant, revenons à notre clocher, à notre vieille église, ce matin de juin
où le petit peuple de Seloncourt se réveille. Les plus jeunes qui, les yeux
encore lourds de sommeil, mettent en route leur voiture pour aller travailler
ou, un peu plus tard, celles qui installent leurs enfants à l'arrière sur leurs
sièges auto pour les emmener à l'école ou à la crêche, ces jeunes dans la force
de l'âge peuvent-ils se douter de ce que toute la ville doit au vénérable
bâtiment ? Si certains d'entre eux levaient un instant les yeux vers le
clocher à bulbe éclairé par le soleil levant et songeaient, avant de démarrer,
à tous ceux et celles qui les ont précédés et qui ont laissé cette trace
émouvante, ce serait comme une main tendue à toute la communauté des Seloncourtois
depuis tous les siècles qu'elle existe. Et j'espère qu'il en sera ainsi pendant
très longtemps.
5 octobre 2012
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