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BUT DE L'ASSOCIATION

Les Amis du Vieux Seloncourt se sont donné pour tâche de sauvegarder le patrimoine historique, culturel et cultuel de leur ville.
Seloncourt est une petite agglomération de 6000 habitants, à 10 km de Montbéliard et 10 km de la Suisse. Elle est traversée par le Gland (on devrait écrire : Glan, d'un mot gaulois signifiant pur), affluent du Doubs.

Président :

M. Pierre Rérat 4 rue du Presbytère 25230 Seloncourt

Téléphone : 06 80 54 53 91

Adresse électronique :

francois.hegwein@sfr.fr

Informations diverses :

Espace de sauvegarde Charles Kieffer

6, rue d'Audincourt

ouvert le mercredi de 14 à 17 h et à la demande

tel : 03 81 34 71 87

pour une vue d'ensemble de nos activités, voir la page avril 2010

pour consulter la liste des brochures que nous avons réalisées : voir la page septembre 2010

vendredi 5 octobre 2012

AU COEUR DE NOTRE HISTOIRE...



Chers amis, j'aurais bien voulu raconter une histoire avec un personnage en chair et en os auquel on s'attache et dont on écoute les aventures, les bonheurs et les malheurs, mais je n'en ai trouvé aucun qui se détache des centaines d'hommes et de femmes liés d'une façon ou d'une autre à l'histoire de la vieille église. Aussi, pour une fois, mon personnage sera de pierre, de poutres et de tuiles, et j'espère le rendre bien présent ce soir quand même.

Imaginons un matin d'été. Il est cinq heures. Le ciel commence à pâlir vers l'orient, annonçant, comme cela est la règle depuis des millions d'années, que le soleil va bientôt darder ses rayons dispensateurs de vie sur les hommes, encore endormis dans l'obscurité et la chaleur de leurs demeures. Coiffant le vieux clocher qui se dresse sur le coteau, le dôme à l'impériale attend les braises du levant pour rougeoyer lui-même, d'abord de façon à peine perceptible puis offrant de plus en plus l'apparence d'un cœur, le cœur de la petite cité de Seloncourt qui s'étend à ses pieds.
Ce matin de juin, on entend sans les voir quelques voitures qui quittent leur gîte comme des abeilles au réveil, marquant le redémarrage progressif de la ruche humaine qui occupe la vallée. La vieille église peut, pendant quelques instants, se bercer de l'illusion qu'elle est encore le cœur de la cité. Pour cela, il lui suffit d'oublier la présence de son imposante jeune sœur qui l'écrase de sa hauteur à moins de dix mètres. En contrebas, à l'écart du coteau, près du lit de la rivière, une troisième église, qui ne le cède en rien pour ses dimensions, semble attester la division de la communauté primitive qui s'était installée dans les lieux près d'un millénaire auparavant. Coiffée de son toit à bulbe, l'aînée des trois édifices semble une aïeule vénérable, une grand-mère portant diairi, entre deux jeunes sœurs dans la force de l'âge.

Il est vrai que ses deux cadettes n'ont guère plus d'un siècle d'ancienneté, alors qu'elle-même pourrait bientôt revendiquer un demi-millénaire. Et ceci sans compter la chapelle primitive, dont certains érudits prétendent qu'elle a donné son nom au village : cella, petite église et curia, ferme, habitation ou village, seraient devenus : Seloncourt au fil des générations. Très souvent, les tertres ou les coteaux ont été choisis par nos lointains ancêtres pour qu'ils y honorent la divinité.


En outre, dans les temps anciens où les hommes craignaient les bêtes sauvages, les famines, les bandes de pillards et les armées d'invasion, ils se regroupaient peureusement, frileusement, autour du lieu qui seul pouvait les rassurer et qui symbolisait leur communauté : l'église, construite en pierre, que l'on voyait de loin et où l'on pouvait se réfugier en cas de danger.

L'église était le fruit du labeur des hommes réunis dans le village. Elle rendait visible le lien qui unissait ses habitants, qui les reliait : religion vient de re-ligere, relier. Elle était comme un port prêt à abriter les marins dans la tempête, elle était déjà le cœur du village naissant.
Nous n'avons plus de trace, du moins à ma connaissance, de la petite chapelle qui s'élevait peut-être sur la butte au moyen-âge. C'est peu après 1500 que l'on commence à retrouver des témoignages attestant de la présence d'une nef de pierre, au toit de chaume, adossée à une tour coiffée d'un toit à deux pans, comme l'est actuellement le clocher de Saint-Dizier-l'Évêque. Cette nef de pierre, ainsi que la base du clocher actuel, c'est la vieille église que nous connaissons, tournée vers le soleil levant, vers l'orient, comme tous les sanctuaires que bâtissaient les vieux maîtres disparus de nos mémoires. Et, tout de suite après qu'elle est construite, la Réforme fait retentir les premiers craquements qui vont fracturer la chrétienté occidentale. La petite communauté de Seloncourt va être sommée de choisir un camp dans la terrible guerre qui commence. Pour les humbles villageois, cela ne se fit pas sans tâtonnements, malgré la sincérité de leur foi.

Mais il a d'abord fallu la construire, cette église Saint-Laurent. Elle est toujours au milieu de nous pour rappeler la mémoire des Seloncourtois de jadis, même si nous ne pouvons plus mettre de visages sur leurs noms. Ces noms, nous en connaissons quelques-uns : Coulon, Prenat, Grosrenaud, Cuenot, Aubry, Quaile, Viennot, Boname... Ils nous sont familiers. Mais rien ne prouve que ces noms étaient ceux des bâtisseurs de l'église. Peut-être les humbles tailleurs de pierres, charpentiers et charretiers qui élevèrent l'église avaient-ils des visages qui nous auraient été aussi familiers que ces noms. D'autres ouvriers se déplaçaient de chantier en chantier et n'ont été Seloncourtois que le temps de leur travail. Quand on conte une histoire, on aime bien y faire le portrait d'un héros auquel l'auditeur va s'attacher.
Dans celle-ci, il y a des centaines, des milliers de héros qui sont de petites gens disparus sans laisser d'autre trace que la vieille église. C'est elle qui est vivante, avec son clocher dont la rondeur évoque un cœur. Cependant, ne brûlons pas les étapes : à son origine, l'église n'a qu'une tour plus trapue, coiffée d'un toit à deux pans et la toiture de la nef est faite de chaume. Ce dernier détail m'invite à penser qu'elle est née de la foi des paroissiens et non du désir de grandeur d'un seigneur local.

À peine érigée, la petite église et ses fidèles furent pris dans le sillage de la Réforme. Comme disait la loi de l'époque, Cuius regio eius religio : tel roi, telle religion. Quand votre prince décidait de se convertir à l'enseignement de Luther ou au contraire qu'il prenait fait et cause pour le Vatican, le petit peuple n'avait pas le choix. Il fallait suivre ou émigrer.

C'est ainsi que l'église était dévolue depuis 1551 au culte protestant à l'exemple de Montbéliard. Mais, au gré des héritages, des ventes ou des traités de paix, Seloncourt passa de la coupe des Wurtemberg à celle du Roi de France. Aussi, après deux siècles de pratique luthérienne, l'administration de Louis XV prit prétexte du décès du pasteur pour le faire remplacer par le curé François Larrère. L'opération s'appelait la reprise, ce qui était assez clair, mais aussi la réconciliation. Pour vous et moi, le mot réconciliation signifie que des gens qui se disputaient se raccommodent, mais, pour le pouvoir de l'époque, cela voulait dire remettre dans les rangs du concile, c'est-à-dire du Vatican. Aussi les deux cents protestants de Seloncourt durent-ils accepter sans discuter que leur petite église ne serve qu'aux douze catholiques du village.  Le curé Larrère n'était sûrement pas un méchant homme, mais l'époque ne faisait pas de sentiments et le mot liberté, que cela soit de culte, de pensée ou de parole, n'était pas à l'ordre du jour en 1740.  Ailleurs en France, c'était bien pire avec les dragonnades. À Seloncourt, au moins, on pouvait aller pratiquer le culte que l'on avait choisi en se rendant à Audincourt ou à Valentigney.

Et voici donc la petite église redevenue catholique, ce qui n'est sans doute pas sans conséquence pour son apparence. En effet, à l'orient, que cela soit en Toscane selon les uns ou en Pologne selon les autres, la mode était de coiffer les tours ou les clochers d'un dôme. Et cette mode commençait à envahir pacifiquement la France, plus pacifiquement en tout cas que les soudards de la Guerre de Trente Ans au siècle précédent.



D'aucuns prétendent que cela venait plutôt de Pologne, en passant par la Lorraine. Le roi Louis XV, outre sa volonté d'imposer le catholicisme dans son royaume, pratiquait la politique internationale à la mode de son temps, c'est-à-dire qu'une alliance était scellée par un mariage. C'est ainsi qu'il avait épousé Marie Leczynska, la fille du roi de Pologne, Stanislas Leczynski, avec évidemment des idées derrière la tête. Hélas, Stanislas fut renversé et le beau-père du roi de France se retrouva à la rue, malgré les batailles héroïques qu'il livra pour reprendre son trône. Louis XV lui offrit alors le duché de Lorraine fraîchement acquis, mais en viager, c'est-à-dire qu'à la mort de beau-papa la Lorraine reviendrait dans le domaine royal. Ce que le roi de France n'avait pas prévu, c'est que Stanislas allait vivre très, très longtemps.  Ah, les viagers...

Stanislas n'avait peut-être plus de royaume, mais c'était un homme extraordinaire qui valait mille fois son gendre débauché et irrésolu. En plus de la fameuse place qui porte son nom à Nancy, il laissa des hôpitaux, des écoles et s'illustra par sa grande culture et son amour de la vie. Et il apporta dans ses bagages, dit-on, les fameux clochers à l'impériale, ou à bulbe, qui lui rappelaient sa chère Pologne. Son architecte privé travailla ensuite pour l'Archevêque de Besançon et c'est ainsi que les bulbes qui nous sont familiers se répandirent dans toute la Franche-Comté. Belle histoire, et Stanislas Leczynski mérite que l'on sache ce qu'il a apporté à notre pays.

Mais cette explication n'est peut-être qu'une légende. D'autres historiens affirment que les clochers à l'impériale seraient plutôt venus de Florence et de l'Italie, à travers les discrètes migrations des charpentiers et couvreurs anonymes qui parcouraient l'Europe. Je vous laisse choisir la version que vous préférez. Pour ma part, j'aime bien le bon roi Stanislas, prince philosophe, musicien, aimant son peuple de Lorraine et aimé par lui, et qui accueillit même Voltaire à sa cour pendant quelques mois.

En tout cas, voici donc notre vieille église toute pimpante, sa tour rehaussée d'un niveau et coiffée à la mode du temps, lorsque survient un événement qui va bouleverser l'ordre du monde : la Révolution française. C'est tout d'abord une aubaine pour les protestants, qui se voient à nouveau autorisés à célébrer leur culte dans ses murs. Mais la Révolution, c'est comme le lait qui déborde sur le feu : quand ça commence à monter cela ne s'arrête pas toujours où l'on voudrait. Et voilà notre vieille église vouée au culte de la Déesse Raison et les cultes catholiques et protestants bien malmenés par des révolutionnaires trop zélés.
Mais tout ceci passa et la vieille église en avait déjà tellement vu avec les guerres de religion, la guerre de Trente Ans et les armées d'invasion que ce ne fut pour elle qu'une péripétie un peu désagréable et surprenante.

Elle servit encore vaillamment pendant plus d'un siècle aux cérémonies religieuses, puis vint pour elle le temps de prendre sa retraite. Seloncourt avait prospéré, les paroisses s'étaient étoffées et se trouvèrent un jour trop à l'étroit dans les vénérables murs. Et, les moyens ne manquant pas, les Seloncourtois décidèrent, à quelques années d'intervalle, de construire cette fois une église pour les catholiques et un temple pour les protestants, afin que chacun soit chez soi. Ainsi en est-il dans les familles, quand les enfants qui ne s'entendaient pas toujours ont assez d'argent pour se faire construire chacun un pavillon, au lieu de cohabiter en se faisant constamment des concessions.

Ce n'est pas seulement la forme du toit qui évoquait un cœur, c'est aussi la cloche qui battait à l'intérieur, appelant les fidèles à l'office, certes, mais aussi les ouvriers du travail au repos. Cette cloche avait été fondue en 1868 à Morteau par les établissements Humbert et un sonneur y fut affecté jusqu'en 1913, puis elle resta muette sauf pour les grandes occasions.

Et voilà notre amie la vieille église toute désoeuvrée, toute seulette, malgré la présence toute proche de sa jeune sœur. Or, dans ce monde dont le credo devient peu à peu la rentabilité, on a vite fait de regarder les choses qui ne servent plus comme encombrantes. Des édifices prestigieux comme l'abbaye de Cluny en ont fait les frais. Si l'on ne dit plus la messe, si l'on ne célèbre plus le culte dans ce bâtiment, à quoi bon l'entretenir ? Cela coûte cher en argent et en temps. Et si l'on ne l'entretient pas, il va vite tomber en ruines, enlaidissant le paysage et risquant de blesser quelqu'un. Il n'y a pas de maison de retraite pour les vieilles pierres, hormis le destin de monument historique. Et encore.

Et c'est maintenant que va se jouer une des plus belles pages de l'histoire de notre ville. Une page qui va faire oublier les guerres de religion, pour ne garder que le désir d'être une communauté humaine partageant les mêmes valeurs, rassemblée dans le lieu qu'elle a choisi.



J'ai dans les mains une charte, une liste de noms, qui va rester gravée dans la mémoire des Seloncourtois comme les Bourgeois de Calais dans l'histoire de France. Vous rappelez-vous nos leçons à l'école communale, Eustache de Saint-Pierre, Jean d'Aire, Jacques et Pierre de Wissant, Jean de Fiennes et Andrieu d'Andres. Je ne me souvenais que des deux premiers, ce n'est pas juste : il a fallu que je cherche un peu pour retrouver les quatre autres, mais j'avais toujours en tête la vision de ces hommes mûrs en chemise et la corde au cou se sacrifiant à l'Anglais pour sauver leur ville.

La ressemblance s'arrête là, bien sûr ! Il ne s'agissait pas de sauver une ville des Anglais, mais de sauver un monument de la loi de l'utile. Cependant, ce n'était pas n'importe quel monument : c'était le symbole d'une communauté de personnes, sur le territoire d'une commune et sur plusieurs siècles. Encore une fois, ce clocher à bulbe, c'est le cœur de cette communauté séculaire et c'est le cœur de notre histoire. Quant aux Bourgeois, dans le vieux sens de ce mot, c'est-à-dire les habitants du bourg, nous avons la liste de ceux qui se sont levés et se sont mis au travail, non pas en chemise et la corde au cou, mais en salopette et la truelle à la main pour sauver la vieille église. Et, sur une feuille manuscrite qui semble sortie de l'école des chartes, voici leurs noms, ainsi que leurs prénoms lorsqu'ils sont mentionnés :
Messieurs Charles Kieffer, Noirot, Steffen, Roux, Guey, Ménegaux Jean-Pierre, Rerat Pierre, Seigneur, Coizet, Bonnot, Vidal Jean-Paul, Frieden, Thierry,
Et Madame Marie-Madeleine Noirot.

Si mes yeux ne m'ont pas fait défaut dans la lecture de cette liste, j'en trouve quatorze en tout : je soupçonne ces coquins d'avoir rajouté Madame Noirot pour qu'ils ne soient pas treize sur le chantier. Parce que cette liste est évidemment incomplète, il y manque toutes les Ami-es qui ont dépensé tant de centaines d'heures à décorer, embellir les locaux, mais aussi régaler les bricoleurs, sans parler des tâches de secrétariat, de comptabilité et de documentation. Oh non, nous savons tous ce soir combien les Amis du Vieux Seloncourt doivent à leurs compagnes, même si elles ne figurent pas sur ce document du 6 mars 1984 !

C'est là une des fantaisies de l'histoire : il manque toujours les noms des fantassins. On a bien conservé celui des généraux, mais pas celui des fantassins. Qui sont les maçons, les charpentiers, les couvreurs, les ébénistes, les facteurs de vitraux qui ont fait cette église ?
On se souvient du nom du curé qui la rendit au culte catholique, on a archivé les noms des pasteurs qui y ont exercé, on a retenu le nom des seigneurs qui ont régné sur le pays et des généraux qui l'ont ravagé, mais qui étaient ceux qui avaient bâti la vieille église ?

Au moins, nous avons une liste des Amis du Vieux Seloncourt qui se sont mis à l'ouvrage, même s'il manque les femmes. Il y a même une liste beaucoup plus exhaustive, celle de toutes les personnes qui ont acheté une tuile destinée à refaire le clocher. Et cet élan de bénévoles pour préserver notre patrimoine commun, je trouve qu'il fait écho à l'élan des obscurs fidèles qui avaient édifié l'église sur la petite butte, il y a bien des siècles, au milieu des tueries, des famines et des invasions. Ce ne sont plus la foi catholique ou la foi protestante qui ont animé les bras des Amis, c'est le sentiment d'appartenir à une communauté qui dépasse les querelles et les rivalités. Ce clocher à bulbe, c'est cela qu'il symbolise : le vivre ensemble dans un lieu qu'on aime.

Pour mon compte personnel, je préfère dire "clocher à bulbe" plutôt que "dôme à l'impériale". Tout d'abord parce que je n'aime pas trop les empereurs, mais aussi parce que les bulbes de tulipes sont originaires d'Orient, comme les bulbes de l'église Sainte Sophie à Constantinople, comme les bulbes des églises du Kremlin. C'est par là que le soleil se lève et c'est vers cette direction que sont tournées, orientées, les églises antiques comme la nôtre. C'est à cause de ce clocher que j'ai entendu parler pour la première fois des Amis du Vieux Seloncourt, un soir de calendriers, chez Claude Guey. Il tenait à me faire partager son enthousiasme, me décrivant les efforts gratuits déployés par les participants à la restauration de la vieille église. C'est lui-même qui insista sur le fait que catholiques et protestants étaient réunis, cette fois, tendus vers un même but. Ce simple fait dépassait les siècles de mésentente ou pire, de guerres de religion qui avaient opposés les deux cultes.

Il n'est même pas nécessaire d'appartenir à une religion, d'ailleurs, pour ses sentir chez soi dans la vieille église. On ne demande pas aux artistes qui exposent leurs œuvres ou qui font de la musique s'ils ont été baptisés. Cette petite église est devenue ce qu'elle était depuis toujours, une maison commune où les gens du pays se tiennent chaud ensemble.



Voilà, chers amis. J'aurais bien voulu raconter une histoire, avec un début et une fin, mais le début de la vieille église se perd dans la nuit des temps, aux époques lointaines où l'on imagine, sur la butte, un sanctuaire vénéré par nos ancêtres celtes ou même plus anciens encore. Pas de fin non plus, car la vieille église a retrouvé, par les efforts des Amis, une nouvelle jeunesse qui risque de durer encore très longtemps.

J'aurais bien voulu créer un personnage dont on suit les aventures, ou les mésaventures, et auquel on s'intéresse, mais les héros de cette histoire se comptent par centaines et très peu ont laissé leur nom, encore moins leur visage. Le seul héros est un vaisseau de pierres, de bois et de tuiles, dont on oublie peu à peu la belle voix grave. Et vous tous et toutes, qui l'avez sauvé de la ruine et doté d'une nouvelle vie.

Et maintenant, revenons à notre clocher, à notre vieille église, ce matin de juin où le petit peuple de Seloncourt se réveille. Les plus jeunes qui, les yeux encore lourds de sommeil, mettent en route leur voiture pour aller travailler ou, un peu plus tard, celles qui installent leurs enfants à l'arrière sur leurs sièges auto pour les emmener à l'école ou à la crêche, ces jeunes dans la force de l'âge peuvent-ils se douter de ce que toute la ville doit au vénérable bâtiment ? Si certains d'entre eux levaient un instant les yeux vers le clocher à bulbe éclairé par le soleil levant et songeaient, avant de démarrer, à tous ceux et celles qui les ont précédés et qui ont laissé cette trace émouvante, ce serait comme une main tendue à toute la communauté des Seloncourtois depuis tous les siècles qu'elle existe. Et j'espère qu'il en sera ainsi pendant très longtemps.

5 octobre 2012